Ecritures vagabondes 1 : « Ile de Ceylan. Croquis, moeurs et coutumes » (1900), Jean-Baptiste van der Aa

01 février 2023

Dans le cadre d'un nouveau partenariat avec « GéoLitt - écritures vagabondes », nous publions, à un rythme mensuel, une série de textes historiques écrits par des écrivains-voyageurs sur le Sri Lanka.

Né à Bruxelles le 11 juin 1843, Jean-Baptiste van der Aa fait ses études au collège Saint-Michel et entre à la Compagnie de Jésus à l'âge de 17 ans. En 1875, il est ordonné prêtre et durant quinze ans enseigne la philosophie à Louvain. Durant ces années d’enseignement, le Père van der Aa élabore et publie un cours complet de philosophie qui sert de manuel dans plusieurs séminaires.

En 1896, il se voit confier un poste d’enseignant au sein du Séminaire Pontifical de Ceylan. Il s’installe en cette même année à Kandy et œuvre en tant que professeur de Théologie sans oublier son ministère. Il y passera trois ans et durant ce séjour maintiendra un échange épistolaire soutenu avec Charles Bulen, éditeur à Bruxelles, qui, un beau jour, estima « que ces lettres d'un vieux missionnaire joignent à un intérêt soutenu de réels mérites littéraires » et eut « l'idée très naturelle d'en faire jouir tout le monde ».

Le livre livre intitulé « Ile de Ceylan. Croquis, moeurs et coutumes » aura donc comme sous-titre « Lettres d’un missionnaire ».

Ile de Ceylan. Croquis, moeurs et coutumes 

Auteur : Jean-Baptiste VAN DER AA (1843)
Editeur : Bulens editeurs
Année de publication : 1900
Publié à : Bruxelles


 

[Notice sur Ceylan - p. vi-viii]


Le recensement de 1891 portait le nombre des habitants à trois millions. Un recensement de 1881 répartissait par races la population comme il suit :

Singhalais : 1 840 000

Hindous, Tamouls : 689 000

Maures : 195 000

Hollandais-Burghers-Portugais métis : 15 500

Européens : 6.250

Malais, Javanais, Negres, Veddas : 13.000

La colonie anglaise de Ceylan possède, depuis 1798, une administration spéciale qui relève directement de la Couronne d'Angleterre. Elle se compose d'un Gouverneur assisté de deux conseils : le conseil exécutif et le conseil législatif. Au point de vue politique, la colonie est divisée en neuf provinces, partagées elles-mêmes en un certain nombre de districts.

Les principales villes sont les suivantes : COLOMBO, au S.-O. de l'île, en est la capitale et le port principal. Sa population est évaluée à 111 000 habitants.

JAFFNA OU JAFFNAPATAM, « la ville du joueur de lyre », est la capitale du nord et compte 38 000 habitants.

KANDY 20 000 habitants reliée à Colombo par un - - chemin de fer, se trouve à l'intérieur à 518 mètres d'altitude. Cette ville est dans un site charmant, au bord d'un petit lac entouré d'allées ombreuses. La rivière Mahaveli-ganga la contourne.

POINTE DE GALLE, ou plus brièvement GALLE, compte 33 000 habitants. La ville bâtie sur un promontoire qui s'avance dans la direction du S.-E. présente une belle rade encadrée de collines. C'est une position importante. Cependant ce port, supplanté peu à peu par celui de Colombo, a cessé d'être le plus fréquenté de l'ile. De plus, de nombreux résidents émigrent pour la capitale.


[8me lettre - p. 131-132]

Kandy, le 13 septembre 1896 - Parapluies à trois centimes

[…] Depuis lors, dans la saison des pluies, j'ai revu souvent de ces feuilles de palmier. Cela ne coûte que la peine de choisir une bonne feuille, et la patience de la laisser sécher pendant trois semaines. Alors, on la tourne, on la roule comme on veut en toit à deux talus, en cône qui laisse passer la tête ou la protège à volonté, en coin de sac faisant capuchon sur la tête et le dos, en grand éventail qu'on oppose du côté du vent; et c'est un abri très léger à porter.

Mais si la pluie cesse, que faire de ce toit, qui va devenir encombrant? Rassurez-vous. Cette feuille, dans son état naturel, est lisse et plate; mais la main de l'homme va intervenir. Quand la feuille est cueillie encore verte, on y imprime des plis étroits, parallèles, s'étendant sur toute la longueur, de telle sorte que, dépliée, elle présente des gouttières, comme un toit de tuiles; mais repliée, elle devient un bon gros bâton, une sorte de canne, que vous porterez, vu sa longueur, comme une crosse d'évêque; le tout pour TROIS centimes.

Si le parapluie indigène est si primitif, ce n'est pas à dire pourtant que l'appareil que vous nommez parapluie en Europe soit inconnu ici. Tout au contraire, et l'on en fait même une consommation bien plus grande que chez vous. Voici la seule différence. Contre la pluie, on emploie la susdite feuille de palmier, tandis que le parapluie européen s'emploie seulement contre le soleil,... quand on l'emploie; car le plus souvent, on ne l'emploie pas du tout, on le porte simplement sous le bras, comme un vademecum, en plein soleil vertical. Le maçon vient à son travail, parasol sous le bras; le menuisier vient prendre mesure pour une armoire, parasol sous le bras. Que voulez- vous? C'est un luxe obligé, nécessaire.


[10me lettre - p. 146]

Kandy, le 10 juin 1897 - Défauts des Indiens

[…] L'éducation de la femme ne comporte pas encore aux Indes de très grands raffinements. Elle ne doit savoir ni lire, ni écrire, ni coudre, ni remmailler, ni rien de semblable; elle appartient à son mari et doit pouvoir seulement lui préparer un plat de riz et du curry. C'est tout ce qu'on lui demande et c'est tout ce qu'elle sait... ou plutôt, non! je me trompe, gravement cette fois! Ce qu'elle sait sur- tout, c'est jaser sans fin avec toutes ses pareilles du voisinage; et très souvent ces cancans et ces rires tournent en disputes, en cris, en injures, en coups de griffes, d'ongles, de dents, en cheveux épars et en mèches arrachées. Tout cela au fond n'est pas bien neuf; je me rappelle tel magnifique passage d'Homère!...