Ce 24 mars 1836, dans une lettre au peintre Jean-Louis Lacuria, Hippolyte Flandrin raconte :

Ingres est entré dans l’atelier, s’est placé en face du tableau. Assis depuis un moment, il ne disait rien, j’étais embarrassé, Paul aussi. Enfin il se lève, me regarde, les yeux pleins de larmes et, en m’embrassant avec l’effusion, le sentiment que vous lui connaissez, il me dit :

« Non, mon ami, la peinture n’est pas perdue. Je n’aurai donc pas été inutile. »

A ces mots, dont je suis si indigne d’être l’objet, l’occasion, je suis devenu petit, et n’ait pu répondre que par des larmes.

La commande d’un tableau important destiné à la cathédrale de Nantes et représentant Saint Clair guérissant les aveugles, a été faite à l’artiste par l’intermédiaire de Guillaume Bodinier, peintre à Angers.
Le tableau, dont les dimensions étaient imposées, est tout en hauteur. Aussi montre-t-il les personnages échelonnés sur les degrés d’un temple. Le saint évêque, debout les yeux au ciel, étend les mains sur deux aveugles, que nous voyons presque de dos, agenouillés devant saint Clair.

C’est une chose où je n’ai pas envisagé le gain, puisque je la fais à peu près pour les frais. Mais elle a une belle destination, et c’est beaucoup.

Ce 18 juillet 2020,
à Nantes,
les larmes de Ingres et de Flandrin
impuissantes à stopper sa destruction