The Waves
Virginia Woolf
1931

(I hate) the pomp and the indifference and the emphasis, always on the wrong place, of people holding forth under chandeliers in full evening dress, wearing stars and decorations. Some spray in a hedge, though, or a sunset over a flat winter field, or again the way some old woman sits, arms akimbo, in an omnibus with a basket — those we point at for the other to look at.

It is so vast an alleviation to be able to point for another to look at. And then not to talk. 

To follow the dark paths of the mind and enter the past, to visit books, to brush aside their branches and break off some fruit. And you take it and marvel, as I take the careless movements of your body and marvel at its ease, its power — how you fling open windows and are dexterous with your hands.

 I begin to long for some little language such as lovers use, broken words, inarticulate words, like the shuffling of feet on the pavement.

What enemy do we now perceive advancing against us, you whom I ride now, as we stand pawing this stretch of pavement?
It is death.
Death is the enemy.
It is death against whom I ride with my spear couched and my hair flying back like a young man’s, like Percival’s, when he galloped in India. I strike spurs into my horse.
Against you I will fling myself, unvanquished and unyielding,
O Death!’

Les Vagues
Virginia Woolf
1937
Traduction:
Marguerite Yourcenar

Je déteste l’enflure, l’indifférence, et l’emphase toujours déplacée des gens qui s’écoutent parler sous des lustres, en habit, en toilette du soir, couverts de décorations et de crachats. Un brin de fleur dans la haie, un coucher de soleil hivernal sur l’étendue plate des champs, une vieille femme assise dans un autobus, les poings sur les hanches, un panier sur les genoux – voilà ce que nous aimons à nous montrer l’un à l’autre.

Quel soulagement d’avoir près de soi quelqu’un à qui faire remarquer quelque chose. Ou bien, se taire ensemble.

Ou bien, suivre les sentiers obscurs de l’esprit, revisiter le passé, pénétrer dans les livres, écarter leurs branches, et cueillir leur fruit. Et vous prenez ce fruit, et vous le trouvez beau. Et moi je vous trouve beau, je m’émerveille des mouvements distraits de votre corps, de votre aisance, de votre force, de la violence avec laquelle vous ouvrez les fenêtres, et de l’agilité de vos mains.

Je commence à rêver d’un langage naïf comme celui qu’emploient les amants, de mots sans suite, de mots inarticulés, pareils au bruit traînant des pas sur le pavé.

O toi, ma monture, quel est l’ennemi que nous voyons s’avancer vers nous, en ce moment où tu frappes du sabot le pavé des rues?
C’est la Mort.
La Mort est notre ennemi.
C’est contre la Mort que je chevauche, l’épée au clair et les cheveux flottant au vent comme ceux d’un jeune homme, comme flottaient au vent les cheveux de Perceval galopant aux Indes. J’enfonce mes éperons dans les flancs de mon cheval.
Invaincu, incapable de demander grâce,
c’est contre toi que je m’élance,
ô Mort…

Tu le savais Virginia
Ballottée
Epuisée
Prisonnière

De la spirale de tes luttes
Bientôt tu allais les rejoindre
TES VAGUES
Enfouissement
Ton corps

évanescent
Pierres lourdes pour atteindre
Les abysses
D’un silence sans retour.