Accélération et champ culturel
Il s’agit de montrer l’influence de l’accélération sur la production culturelle en peinture, musique et littérature.
Peinture
Oeuvres de W. Turner
Rain Steam and Speed the Great Western Railway 1844
Oeuvres cubistes et futuristes
Nu descendant un escalier 1912
La Tour Eiffel
1911
Marcel Duchamp exprime l’espace et le temps par la représentation abstraite du mouvement.
La toile cubiste de Robert Delaunay exprime cette idée d’une fragmentation du temps à travers un espace parcellisé.
Musique
Dans l’exécution
Le temps dans l’exécution des oeuvres classiques s’est accéléré depuis le 19e siècle. On a même parfois affirmé que, compte tenu du temps accéléré de la vie moderne, il fallait par exemple diriger plus vite les symphonies de Beethoven pour obtenir des effets similaires aux exécutions d’époque.
Dans la composition
ROBERT SCHUMANN
Le début de sa Sonate pour piano no 2 porte l’indication de tempo « aussi vite que possible » immédiatement suivie d’une autre « encore plus vite« …
Claudio Arrau, Piano
MAURICE RAVEL
Dans son Boléro les changements dans l’instrumentation donnent l’impression d’une accélération.
DARIUS MILHAUD
Dans ses trois « Opéras Minute » (1927), il traite en quelques minutes le matériau de trois tragédies grecques…
LE JAZZ
Il a été souvent interprété comme un reflet du rythme haletant de la vie urbaine mondaine. Le mot semble provenir d’une expression argotique signifiant vitesse.
Littérature
HEINRICH HEINE
Il observe l’anéantissement de nos concepts du temps et de l’espace par le chemin de fer.
« Par les chemins de fer l’espace est anéanti et il ne nous reste plus que le temps.
THOMAS MANN
Il considère son roman La Montagne magique comme un « roman du temps ».
Qu’est-ce que le temps ? Un mystère ! Sans réalité propre, il est tout-puissant. Il est une condition du monde phénoménal, un mouvement mêlé et lié à l’existence des corps dans l’espace, et à leur mouvement. Mais n’y aurait-il point de temps s’il n’y avait pas de mouvements ? Point de mouvement s’il n’y avait pas de temps ? Interrogez toujours ! Le temps est-il fonction de l’espace ? Ou est-ce le contraire ? Ou sont-ils identiques l’un à l’autre ? Ne vous lassez pas de questionner ! Le temps est actif, il produit. Que produit-il ? Le changement.
Thomas Mann La Montagne magique,
Le Livre de poche Arthème Fayard, 1931 Extrait du chapitre VI intitulé Changements.
Il ne s’agit pas dans ce roman uniquement d’une réflexion sur l’expérience temporelle, mais l’auteur fait de l’accélération le principe de sa structure narrative : le temps s’écoule de plus en plus vite au fil du roman…
Conclusions
On peut tirer trois conclusions de l’histoire du conflit culturel autour des technologies de l’accélération :
1 Le processus d’accélération se déroule par à-coups en se heurtant à des obstacle, à des résistances…
2 Une poussée d’accélération est presque toujours suivie d’un discours sur l’accélération et la décélération : nostalgie d’un retour au « monde lent ».
Comme nous l’avons évoqué, l’esprit provocateur du flâneur s’exprime dans la lenteur et la liberté de ses mouvements, qui représentent la négation des contraintes temporelles. Au XIXe siècle, celui-ci aimait même se promener en compagnie de tortues et W. Benjamin (1983) interprétait cette coutume comme une protestation sui generis contre les rythmes de vie forcenés en train de s’imposer, accompagnant les processus de taylorisation de la vie en ville.
Giampaolo Nuvolati Le flâneur dans l’espace urbain
La lenteur, c’était, à mes yeux, la tendresse, le respect, la grâce dont les hommes et les éléments sont parfois capables (…)
Pour ma part, je me suis promis de vivre lentement, religieusement, attentivement, toutes les saisons et les âges de mon existence…
3 En dépit de l’hégémonie du discours des partisans de la décélération, chacun de ces conflits culturels s’est soldé par une victoire des partisans de l’accélération.